La hiérarchisation sociale

Les préjugés raciaux ne datent pas d’aujourd’hui; et chez les Mahou tout comme chez la plupart des peuples Mandé la société est organisée selon des critères bien définis.

Les Mahou sont structurés en fonction d’une hiérarchie pyramidale à trois étages: Au sommet de l’échelle se trouvent les nobles appelés ‘hɔlɔŋ ou ‘kwɛɛŋ; suivent les hommes de caste (castés) et les esclaves.

Les nobles

Est noble chez les Mahou toute personne appartenant à une famille jouissant de ses libertés et se comportant selon les bonnes moeurs de la société. C’est ceux-là qui en son temps avaient aussi le pouvoir naturel de commander. Certaines familles sont connues comme étant de sang noble. La noblesse était surtout une question de bravoure. C’est-à-dire que la capacité de nuisance guerrière d’un non noble pouvait permettre à celui-ci et à sa descendance d’atteindre la haute marche de l’échelle sociopolitique; il s’anoblissait ainsi grâce à son courage et à son talent de guerrier. Inversement, une famille pouvait perdre sa classe de noblesse pour se retrouver dans celle des esclaves. Des circonstances font perdre le titre de noblesse, notamment se livrer aux activités propres aux castés ou participer de quelque manière que se soit à leurs occupations. Par ailleurs, un noble digne de ce nom ne doit pas épouser une femme qui n’est pas noble ni avoir des relations coupables avec elle.

Les hommes de caste

La classe intermédiaire est celle des castés ou ɲamaakaa qui comprend les griots et les forgerons Plusieurs mythes entourent l’apparition des castes. Mais la division sociologique du travail est vraisemblablement à l’origine de la stratification de la société La place médiane attribuée aux castés n’est pas de l’avis de tous les sociologues, puisque d’autres – minoritaires – estiment que les castés sont au plus bas de l’hiérarchie sociale.
Il est à rappeler que les griots avaient pour rôle essentiel de courroie de transmission au service des nobles; les griots célébraient les guerriers et les incitaient à la bravoure. La poterie et la cordonnerie sont leurs domaines d’activité, exclusivement. Ils vivent de ces activités génératrices de sou, et pratiquent aussi l’agriculture comme les autres membres de la société.

Quant aux forgerons, ils ont pour vocation principale le travail du fer au marteau et à la forge. Ce sont eux qui fabriquent les houes (daba, machette, etc.) et les armes (fusil, épée, flèche). Ils étaient beaucoup sollicités dans les temps jadis grâce à cette fonction, et ils sont sensés détenir des pouvoirs mystiques faisant d’eux des maîtres du feu. Cependant, ils sont vus sous un angle péjoratif au même titre que les griots. Pire, la situation des forgerons est peu reluisante que celle des griots.

Il est strictement interdit aux castés de se rendre dans les lieux sacrés. Ces interdits frappent tous les castés; et cette répugnance à leur endroit semble être la conséquence du manque de pudeur et de confidence. Au fait, ces traits de moeurs semblent être foncièrement caractéristiques des castés. Le fossé entre nobles et hommes de caste est tel que des patronymes sont naturellement et officiellement marqués du sceau de noble ou de casté. Malgré tout, les castés ne se font apparemment pas de complexe face aux autres Mahou. Bien au contraire, ils profitent de leur statut pour obtenir nombre d’autres avantages.

La catégorie des esclaves

Autrefois dans les sociétés manding, les esclaves constituaient la catégorie des gens asservis. Soit ils étaient captifs de guerre, c’est-à-dire qu’après une guerre, les vainqueurs avaient pour butins les vaincus et leurs propriétés (produits de champs, bétails, etc.) ou bien ils étaient achetés. Les esclaves constituaient des bras valides qui appartenaient à des seigneurs et étaient utilisés comme bêtes de somme pour les travaux de tout genre. Ils étaient très utiles pour la guerre, et avoir beaucoup d’esclaves était signe de fortune. Un esclave se mariait à une esclave, et leur descendance devrait perpétuer la condition sociale héritée de leurs parents, c’est-à-dire le statut d’esclave. Ils n’étaient donc pas intégrés socialement. Tout comme lors de la traite négrière triangulaire, l’esclave portait le nom (souvent dévalorisant) que lui donnait son maître.

Ces temps étant révolus, c’est comme si le voile est déchiré entre nobles et esclaves; la catégorie sociale des esclaves a disparu chez les Mahou. Mais des familles ont encore sur eux l’empreinte de ce fléau qui a duré des décennies. Ainsi les membres de ces familles ne doivent pas faire de libation d’un quelconque sacrifice concernant le village. Ils peuvent faire leur propre libation, néanmoins. Mais quelques fois même, c’est un noble qui doit se déplacer dans ces familles pour accomplir ce rite sacrificiel. Lors des sacrifices, le descendant d’esclave ne doit pas manger de la cuisse de poulet ou de l’animal sacrifié, cette partie de l’animal étant réservée aux aînées et aux nobles. Donc les descendants d’esclaves subissent encore toujours la condition d’asservis à certains niveaux dans la société. Seulement, leur statut n’est pas vulgarisé. L’histoire se transmet confidentiellement de bouche à oreille et de parents à enfants. Il existe des mariages entre les supposés descendants d’esclaves et les nobles. De même, ils ont en commun tous les lieux sacrés. Mais le mariage n’est pas permis entre enfants d’esclaves et castés.

Interdits et éléments de contradiction

Il semble fondé de relativiser l’opposition culturelle entre nobles et castés. En fait, il se trouve des nobles ayant du mal à dompter leur sentiment face au charme et à la beauté des jeunes filles de caste. De la même manière, l’on voit de plus en plus de jeunes castés s’amouracher des filles nobles, et même se tailler la part du lion dans leur cercle. Ainsi par le fait de la richesse ou des sentiments amoureux qui résiste (nt) de moins en moins aux barrières socioculturelles, il n’est plus chose très rare de rencontrer des mariages entre castés et nobles. Et puis le rôle prépondérant (médiateur, incitateur à la bravoure, fabricant d’outils pour les plantations et pour la défense) que les hommes de caste ont joué et continuent de jouer, invite à la prudence dans la conception qui fait des castés et des nobles deux franges diamétralement opposées dans la société; société où contrastes et contradictions se côtoient et restent souvent difficilement explicables. De plus, mis à part le patronyme, il n ‘y a pas de signe corporel particulier permettant aujourd’hui de distinguer entre nobles et les autres.

Pour dire vrai, hormis quelques petites différences mesquines, nobles et descendants d’esclaves se confondent et représentent de nos jours la même catégorie sociale de noblesse. Par conséquent, l’on peut affirmer sans grand risque de se tromper que, le peuple Mahou est constitué de deux catégories sociales: celle des nobles et celle des hommes de caste. Et ils partagent plusieurs pans de la culture.

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