Histoire

Données historiques

L’histoire du peuple Mahou est inséparable de celle du Mandé, province du célèbre empire du Mali au Moyen Age Ce vaste empire Malinké de la boucle du Niger a connu ses moments de gloire sous Soundjata Keita. Mais à la suite de graves troubles liés à des conflits internes et externes, l’empire tergiversa d’abord, avant de disparaître définitivement au XVII e siècle. Entre-temps, certaines de ses populations migraient vers les zones moins tumultueuses du Sud. C’est dans ce contexte que s’est effectuée l’occupation du Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire actuelle, occupation faite sur deux temps et à travers deux axes principaux. Mais avant l’installation des Mahou, cette partie de l’Afrique subsaharienne n’était pas inhabitée.

Le substrat ethnique de la région

Les Dan et les Wen

Issues eux aussi du Mandé, les populations Dan et Wen (aujourd’hui installées dans la région de Man et en terre libérienne) occupaient auparavant la région de Touba. Selon les traditions orales, ces peuples étroitement apparentés, seraient arrivés dans la région mahou en transitant par le Kabadougou (Odienné) et la Haute Guinée. Appelés à tort Yacouba par les Mahou, les Dan sont composés essentiellement de Danmenou (autour de Man) et de Boutyouleumenou (Danané). Ils font partie de la famille Mandé-Sud. Ces peuples dont les guerres ont émaillé la marche, ont été déplacés par leurs frères germains Mahou.

Les Kla et les Youaanigbè

Alors que la majorité des Dan occupaient le refuge montagneux de la région de Man, d’autres, peu enclin à la fuite, étaient préservés de façon résiduelle dans la région mahou: il s’agit des Kla et des Youaanigbè, deux groupes qui formaient un même peuple jusqu’à l’arrivée du conquérant Samory Touré.
Les Kla ou Kla-kla, c’est-à-dire les braves, sont installés à l’extrême Ouest de la région dans les principaux villages de Santa, Saboudougou et Kpoho. Quant aux Youaanigbè, ils sont dans les zones touristiques de Zaala et Yo dans la périphérie Sud de Touba. Youaanigbè signifie Yacouba pur.

Ces deux petits peuples ont pour caractéristique essentielle le profond attachement à leurs traditions ancestrales et à leur langue, d’où leur manque d’ouverture au modernisme. A titre d’exemple, les habitants de Yo avaient maintes fois été sommés, en vain, par l’administration préfectorale de s’installer en bordure de la route bitumée reliant Touba à la capitale du pays. C’est à une date encore récente (courant 2000-2001) qu’ils se sont exécutés.

La réticence de ces peuples à l’ouverture au monde pourrait se justifier par les conditions dans lesquelles ils se sont faits spolier de leur territoire par les Mahou, à la fois subtiles et plus conquérants. Ces deux facteurs ont justement sous-tendu l’occupation totale de la région: une occupation dite missionnaire, pacifique; une autre, plutôt violente.

L’arrivée des Mahou

Comme mentionné plus haut, l’occupation s’est faite sur deux temps et à travers deux axes principaux. L’absence de documents écrits est un handicap majeur pour la reconstitution de l’installation des Mahou. En plus, les traditions orales sont diverses, rendant la tâche peu aisée pour l’historien. Cependant, une thèse fait des Bakayoko l’une des premières familles à s’être s’installée.

Installation du chef religieux Bakayoko Nfa Moussa

Une fois investi des fonctions de jurisconsulte par l’Askia Mohammed vers 1498 à Djenné, Fodiya Mohammed Fodiki Sanou, ancêtre des Bagayogo, commençait ainsi une oeuvre qui allait faire de ses descendants un peuple missionnaire à travers l’Afrique de l’Ouest. Selon les Tarikhs es Soudan et es Fettachs en effet, l’imamat à longtemps été confié à cette famille dans le foyer de l’islam que fut Tombouctou.

C’est dans ce cadre et pour d’autres raisons que Ces informations tirées de documents de premiers colonisateurs français (Marchand 1892, Combes 1893, Blondiaux 1897), relatent ainsi l’histoire de la fondation de Koro, aujourd’hui Sous-préfecture dans la région.

Un rapide aperçu sociolinguistique permet de dire que cette famille de souches Bambara et Sénoufo, a acquis son patronyme au retour de ses premiers pèlerins de la Mecque et qui auraient fait le voyage de Bagdad. Par déformations régionale et dialectale, Bagdad a donné Bagadaji, puis Baga-yoro et Bagayogo, Bagayo’o, Bakayoko et enfin Bayo chez les Mahou. Ils auraient très tôt foulé cette terre en suivant directement l’axe Nord-Sud, et y comptent aujourd’hui plusieurs villages dont Koro, Wèna et Bayola presque entièrement constitués de Bayo. Selon la légende, Nfa Moussa appelé encore Mian Missa Bayo, aurait fait sept fois le pèlerinage à la Mecque à pied. Sa piété est connue dans toute la région, et Koro sert encore de lieu de convergence pour toutes personnes cherchant la faveur de celui qui est considéré être parmi les Saints.
Ainsi certaines familles dont les Bayo et les Chérif ont une vocation religieuse à travers les prêches et la prière islamiques.

L’installation des Bakayoko – comme une mission exploratoire – s’est ainsi faite sans grandes frictions avec les autochtones, pour le moins hostiles à l’islam pourtant. A cette installation allait suivre une occupation en masse et de manière violente.

Installation de la famille Diomandé

Vers la fin du XVI eme siècle, la région fut le théâtre de violents conflits sous des invasions guerrières. L’installation de Nfa Moussa et sa suite allaient bientôt contribuer à l’arrivée de leurs frères Diomandé ou Kamara ouvrant la voie à des vagues successives de migration.

Partis du Konyan et du Toron, les Malinké descendent jusqu’à Séguéla, chassent tous ceux qu’ils trouvent sur leur passage et se déchirent entre eux. Finalement, ce sont les Diomandé qui imposent leur suprématie sur toute la région de Touba à Séguéla, région charnière entre la savane et la forêt.

En effet, le territoire qu’il est convenu d’appeler mahou, tomba entre le XVI eme et le XVII eme siècle sous domination Diomandé (qui signifie envahisseur) composés de vaillants guerriers et soutenus par des familles apparentées : Bamba, Kondé ou Koné et Touré; les Fadiga arrivant un peu plus tard. Selon toute vraisemblance, les Diomandé ont occupé la région à partir de Beyla (région du Konyan dans l’actuelle Guinée.) Mais d’autres sources situent leur origine de Tombouctou d’où ils seraient partis avant 1550. Outre leur capacité à guerroyer, les Diomandé étant surtout animistes, détenaient de véritables pouvoirs mystiques. La conquête de la région a également été facilitée par les Bayo, doués dans le maraboutage. D’aucuns voient là, l’occasion de l’alliance entre ces deux familles.
Sous la coupole donc des Diomandé, la constellation de clans va donner une tribu homogène et entreprenant: les Mahou ou Mahouka. Ensemble, ils vont provoquer un déplacement massif des autochtones Yacouba vers le Sud. Au XIXeme siècle, les Diomandé Saakulaka, en véritables seigneurs, vont imposer leur présence à certains villages Yacouba et en prendre même le commandement (Sipilou, Gan, Santa). Dans ces zones, ils ont tissé des alliances et ont entrepris un métissage intense avec les Yacouba. Aujourd’hui encore, des familles Dan portent des patronymes d’origine mahou tels que Diomandé, Bayo, Touré, etc. Des Mahou sont chefs de villages dans beaucoup de contrées Yacouba et Toura. Ailleurs, dans la partie Nord du pays mahou, les Gbeèka furent obligés de traverser la rivière Boa pour échapper aux Diomandé. L’avancée des Diomandé ne fut freinée que par les colonisateurs Français, plus forts car possédant de l’armement moderne.

Le résultat de tout ce qui précède, fait de cette famille et des Koné les propriétaires de terre (luutii) et du pays mahou (yamaatii); ils jouissent du respect de leurs sujets, et leur autorité d’aînée est incontestée. La principale ville des Diomandé est Ouaninou. Touba (qui signifie grande forêt ou arbre céleste) fut fondée vers 1870 par Youssouf et les Fadiga. Cette ville, alors peuplée de fervents musulmans, eut de bonnes relations avec l’Almami Samory Touré au détriment de Borotou qui fut détruite.

Après avoir pris connaissance de l’installation des Mahou, il parait légitime de se demander comment un peuple aussi composite et nombreux qu’eux est socialement organisé. L’appréhension d’une telle question peut se faire à travers l’étude de leur mode de vie socioculturelle.

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